L’archéologie du regard
Pompéi cristallise autour de son nom la mémoire collective des villes ensevelies. Pour son bien ou son malheur, elle allie la catastrophe à la mélancolie des ruines, elle figure le surgissement de ce qui a été dans le silence définitif de ses rues. Elle égare le promeneur du coté du récit, point aimanté de l’histoire infiniment recommencée de son anéantissement.
Le roman de ce crépuscule trop souvent rappelé suscite l’imaginaire et enflamme la curiosité des visiteurs. Or aucune nostalgie n’est convoquée dans la démarche de Colette Portal.
Le regard porté sur la cité immobile n’emprunte pas au retour en arrière, ni à la reconstruction mentale; rien dans son approche ne vient amoindrir la rupture du 24 août 79. Aucun romantisme de la disparition, pas de touche esthétique visant à embellir son objet, seule existe la rugosité des garces, l’aspect têtu de leur insistance.
Aussi, tel l’archéologue, a-t-elle mis en place un dispositif qui favorise le fac-à-face. Des dessins, des photos, un thème récurrent, trois fils qui croisent et recroisent son parcours. Dessinées et photographiées, les fontaines fournissent un premier repère; elles servent de main courante à l’exploration minutieuse de ce qui se présente.
Éloge du détail, cheminement patient, Colette Portal cherche la précision du relevé. Pour elle, il n’y a pas de ville morte, il y a ce qui court de fontaine en fontaine, ce qui peu à peu, sous le regard prend vie.
Bertrand Raison, Paris 2002
————
1996 Prises de vie – 40 photographies, Pompei
1998 8 cartes postales, édition Nuages, Milan
2003 12 cartes postales, édition Nuages, Milan – Texte de Bertrand Raison