Le chaos immobile

C’est une histoire au lointain commencement. L’histoire de la pierre brute et son silence, omniprésente, arrêtée dans un chaos originel monumental.

La pierre roulée des chaos granitiques est ronde, douce, chaude, aux formes rêveuses. On peut l’enlacer, s’appuyer, l’effleurer de la main et percevoir sous l’extrémité des doigts, le grain de quartz irisé qui la compose, sable détritique, devenir de toute roche. Elle brille aussi.

Puis les fossiles, premiers témoins de ce grand chahut, piégés dans l’intimité de la pierre tumultueuse, nous émerveillent par leur trace si délicate, empreinte fidèle de ce qui fut leur vie éphémère. L’homme, deuxième témoin, révèle sa présence à l’abri des grottes profondes. A la lumière vacillante des chandelles grasses, il taille, polit, grave des vulves et des pénis. Et pour offrande il perce la pierre pour en faire un collier.

Le temps s’écoule, l’homme se redresse. Devenu grand bâtisseur, conscient de la vie et de la mort, il entasse la pierre éboulé, par un acte sacré.

La dernière pierre posée ferme le dolmen où reposent pour l’éternité les corps inertes.
Et quand il érige la pierre levée devenue phallus, les menhirs se dressent dans le creux des vallées paléolithiques.

Un jour, descendu près des rivières, il se voit et regarde l’autre lui-même. Transcendé par son esprit en une représentation émouvante, la pierre caressée devient Vénus callypige née de la pensée créatrice et de la pierre sauvage.

Elle était là, la sculpture enfermée dans sa gangue de granit, réveillée par un regard.
C’est l’histoire d’une ligne de vie.