Jardin des plantes de Paris, novembre 1979
Il m’avait accompagné au Jardin des Plantes de Paris. Pour cela il avait mis sur sa tête son chapeau de feutre gris au nœud marron à petits motifs et un foulard de la même cotonnade que l’on appelle un tour de cou. Dans sa main droite il tenait un canoé en plastique beige kaki qu’il ne lâchait pas et qu’il avait fourré du foin de Margot.
C’était le jouet de sa fiction picturale à laquelle il se rattachait, l’instrument de son héros fictif.
Il y en avait bien d’autres, mais ce jour là, il avait choisi le canoé en relation avec un animal du Jardin des Plantes, le bison sacré et vénéré des Indiens des Grandes-Plaines d’Amérique.
Pendant toute la promenade, au milieu des allées bordées de platanes desquamés, il jouait au promeneur inconnu et solitaire, changeant de place sur les petites chaises en fer aux pieds croisés, regardant les promeneurs parler aux pigeons, ou les feuilles mortes ramassées à l’appel. Puis il avait changé encore de place, allant cette fois ci à la rencontre du noble animal.
Il le regardait fixement, pris au piège de sa fiction, se souvenant qu’il foulait autrefois l’herbe jaune et sèche des Grandes-Plaines drainées par le Missouri, plus long que le Nil.
Aujourd’hui le bison indifférent à sa présence, se trouvait être derrière des barreaux.
Mâchonnant son foin sans fin, il rêvait, peut-être, à l’espace libre de ses ancêtres.